Investissement immobilier au travers d'une société
- Léo Bachelot
- 18 oct. 2024
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 mai
La France est un pays qui a l’entrepreneuriat dans le sang. L’investissement dans l’immobilier, est une forme d’entrepreneuriat. Cela traduit le développement d’un business modèle, l’offre d’un service de logement, à longue comme à courte durée. On structure ses actifs, on les améliore, on gère les demandes des « clients », on arbitre, on re-dynamise, on acquiert des responsabilités… On finit par créer de la valeur à la collectivité. Cette réussite entrepreneuriale, peut tenir pour recette, la bonne compréhension des enjeux fiscaux, comptables et juridiques.

Société ou nom propre ?
Il est tout d’abord question de savoir, si oui ou non, investir au travers d’une société est nécessaire. La détention peut très bien s’effectuer en propre. La constitution d’une société comporte des frais de greffes, et d’éventuels frais de rédaction de statuts. Ensuite, elle nécessite la tenue d’une comptabilité normée. Seule la société civile à l’impôt sur le revenu, n’a pas cette obligation. Par ailleurs, certains régimes de faveur, tels que le LMNP (Loueur en Meublé Non-Professionnel), ne sont accessibles en société que dans certains cas.
Par ailleurs, l’association avec d’autres investisseurs, peut remettre en cause la détention en propre. C’est le régime de l’indivision qui s’applique. Les décisions courantes doivent réunir les deux-tiers des droits de vote. Les actes de disposition, tels que la vente ou la donation, nécessitent l’unanimité. Une convention d’indivision, peut être conclue afin d’organiser la vie de l’indivision. Un gérant, propriétaire ou extérieur, peut être nommé pour l’indivision. Les statuts de société, semblent pouvoir organiser de manière similaire la vie de la collectivité. Toutefois, à contrario de l’indivision, ceux-ci peuvent prévoir des clauses d’agréments. Elles permettent de limiter l’entrée de nouveaux associés, par cession de parts, donations ou successions, ainsi la dilution du capital dans le temps. Il s’agit là, d’une prévention efficace contre les décès prématurés.
Ensuite, l’usage d’une société permet de profiter du compte courant d’associé, revenant pour un associé à consentir un prêt à la structure. Cette créance chirographaire (ne bénéficiant d’aucune priorité de remboursement) est remboursable à première demande (sauf stipulations contraires). Il s’agit d’un mode de financement très courant, du fait de sa flexibilité. Des intérêts, déductibles du résultat fiscal dans la limite des taux légaux, peuvent être pratiqués. Ils s’agiront de revenus imposés dans les mains de l’associé-créancier. La société permet la mise en commun de plusieurs capacités d’endettement, égales ou non. Ainsi, il semble possible d’avantager un individu, n’ayant pas les facultés d’effectuer de l’effet de levier. Dans un autre registre, les sociétés à responsabilité limitée, permettent comme leur nom l’indique, de réduire le risque, que vos créanciers puissent mener une action sur votre patrimoine personnel, en cas d’insolvabilité.
En outre, l’investissement en société permet de délimiter un portefeuille d’actif au sein d’un patrimoine, voire simplement de faciliter une cession future. Il semble plus aisé de transmettre des titres de sociétés, qu’un nombre important de biens, indépendants les uns des autres.
Enfin, la détention en propre déclenche une imposition annuelle dans les mains de l’investisseur. Dans le cas d’un effet de levier, le remboursement bancaire peut nécessiter un effort supplémentaire de trésorerie. Seule une structure sociétaire à l’impôt sur les sociétés, permettrait d’éviter cette gêne. Toutefois, la détention en propre ou la société à l’impôt sur le revenu, sont les seules à pouvoir conférer des revenus versés régulièrement.

Financer les investissements de la société
Les investisseurs ont tendance à privilégier un capital social faible, suivi d’une injection en compte courant d’associé, qu’un capital fort, afin de financer les actifs de la société. Pour autant, l’investisseur pourrait très bien réaliser un apport en numéraire important, lors de la constitution de la société, afin d’acheter les biens immobiliers. Sur le plan successoral, il est fréquent, de voir des parents, associés minoritaires, financer l’entièreté des actifs d’une société par compte courant, au profit de leurs enfants majoritaires, afin de les avantager.
Une société dite « opérationnelle », qui n’a pas pour objet social de gérer un patrimoine, peut toutefois avoir une activité civile, comme la gestion d’un patrimoine. En effet, il faudra prévoir dans les statuts, le fait qu’elle puisse avoir une activité supplémentaire de gestion patrimoniale, avec pour objectif de placer la trésorerie excédentaire ou l’enrichissement du patrimoine de la société. Le caractère « excédentaire » doit pouvoir être justifié. Elle pourrait également constituer une société fille, ayant pour objet la gestion de la trésorerie de la mère. Créer une nouvelle entité, permet de faciliter l’association et la revente ultérieure d’un portefeuille d’actif. De manière générale, les personnes morales peuvent aisément être le relais de l’associé personne physique, pour investir. Il peut toutefois être conseillé, d’isoler les investissements patrimoniaux de la société opérationnelle. En effet, la responsabilité de celle-ci dans les affaires patrimoniales, pourrait impacter et mettre en danger l’activité principale, en cas de poursuite par les créanciers de l’entité patrimoniale. Par conséquent, les structures tripartites de type « holding mère puis sociétés opérationnelle et patrimoniale filles », sont fréquentes, pour rendre chaque activité indépendante. Seule la holding serait tenue responsable des risques des filiales. La société mère, centralise le bénéfice des sociétés filles et réalloue cette trésorerie là où elle souhaite.
S’associer en société
Le compte courant réalisé par un associé personne physique, n’est pas obligatoirement rémunéré. Toutefois, les personnes morales doivent obligatoirement pratiquer des intérêts. Il est admis qu’une société consentant gratuitement un prêt, en faveur d’un tiers, agit à l’encontre de ses intérêts propres. Il s’agit là d’un acte anormal de gestion, légalement sanctionné.
De manière générale, l’acte anormal de gestion revient à commettre des actes étrangers à ses intérêts économiques. Une société commerciale, ne pourrait pas, s’associer avec un tiers en prenant une participation ultra-minoritaire et financer la totalité des actifs par compte courant d’associé. La société n’a pas à soutenir artificiellement le développement du patrimoine privé d’un tiers / de son dirigeant. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 11 février 2022 (N°455794), assimile ces avances, prêts ou acomptes, à des revenus distribués. Cela fonctionne également entre des associés personne morale à l’IS, le montage ne doit pas faire ressortir l’accord d’une faveur, sauf à ce que celle-ci soit justifiée.
En fonction de la forme de la société un gérant ou un président est nommé. Il gère les actes de la vie courante de la société. En cas d’association, il est habituel d’avoir une « cogestion », afin que tous les associés s’impliquent de manière active dans les affaires. Cette gestion peut être rémunérée. Elle peut permettre de faire valoir l’effort de gestion de l’un des associés, vis-à-vis des autres. Le traitement fiscal et social de la rémunération, diffère en fonction de la nature du gestionnaire et du régime fiscal de la société.

À l’IR ou à l’IS ?
Les sociétés civiles (SC) et les SAS, connaissent deux régimes possibles : l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. La location meublée, n’est pas praticable en SC à l’IR (sauf si cela représente moins de 10 % de l’activité), s’agissant d’une activité commerciale. Elle l’est pour le reste. Par ailleurs, les régimes LMNP / LMP sont parfois utilisés au sein d’EURL / SARL / SAS à l’IR.
Les sociétés à l’IR, voient leurs bénéfices être imposés directement dans les mains des associés. Elles sont généralement pertinentes pour les contribuables peu fiscalisés. Les revenus peuvent être appréhendés directement par l’investisseur, permettant la création de revenus réguliers. A contrario, à l’IS, il faut attendre la distribution annuelle du dividende, sauf à se verser un salaire. Les sociétés civiles à l’IR peuvent revêtir des simples fonctions de jouissance (résidence principale, mise à disposition gratuite de biens…). Toutefois, ce régime trouve rapidement ses limites quand il est question d’investissement à effet de levier. En effet, les remboursements bancaires nécessitent souvent un effort de trésorerie supplémentaire de la part de l’investisseur. En cause, le montant des loyers qui ne couvrent pas l’ensemble des décaissements.
Les structures à l’IS, visent davantage à capitaliser les revenus. Le résultat fiscal est imposé au sein même de la société. Le taux d’IS est souvent moins élevé que la fiscalité IR des associés. Deuxièmement, l’IS implique une comptabilité BIC (bénéfices industriels et commerciaux), qui impose l’amortissement des immobilisations corporelles, que sont les biens immobiliers. Ces charges calculées, censées représenter la dégradation des biens, viennent minorer le résultat fiscal. Ainsi, il est fréquent de dégager des bénéfices comptables, sans avoir d’impôt à payer. Néanmoins, seuls les bénéfices imposés sont distribuables. Il arrive souvent, de ne pas pouvoir distribuer de capitaux. Il reste possible d’exfiltrer de la trésorerie, via le versement de salaires, la réduction du capital social non motivée par des pertes, les prêts, ou encore la liquidation de la société. À la revente des biens, la plus-value fiscale sera la différence entre la valeur nette comptable (VNC) et le prix de vente. Plus il y a eu d’amortissements, plus la plus-value fiscale sera lourde. Celle-ci sera soumise au taux d’IS. Ainsi, les amortissements, ne réduisent pas l’impôt, mais le reportent. Par ailleurs, à la vue des régulières réformes législatives, nous ne maîtrisons pas la fiscalité au jour de la revente. Le régime de l’IS, favorise la constitution de patrimoine dans le temps.
Structuration d’une foncière
Une « foncière » s’entend comme une société qui gère et exploite un parc immobilier. L’organisation d’un portefeuille cohérent, pour permettre à terme, la revente de l’entité. Ceci reste toutefois assez rare. Par ailleurs, le capital de la société pourrait au moins être ouvert, afin de dégager des liquidités et de sécuriser une partie de la plus-value.
Dans un autre registre, la foncière pourrait servir à des fins philanthropiques, en étant apportée à un organisme de mécénat, tel qu’un fonds de dotation (crée par les associés ou non). Ces derniers continueraient à gérer la foncière. Les dividendes seraient réutilisés à des fins caritatives.



