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De la mise en pratique de la fiducie-sûreté

Dernière mise à jour : 14 mai

Le dispositif juridique, qu’est la fiducie, permet une innovation en matière de mise en garantie d'un actif, contribuant au financement de l’économie. La mise à l’épreuve de cet outil, nous permettrait toutefois de mieux assimiler la théorie. Il arrive que des cabinets d’avocats, publient de la preuve sociale sous fond de communication, à ce sujet. En conséquence, il est accessible de recenser et de reconstituer des cas pratiques parlants.


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Refinancement d’actifs en période successorale

 

A l’ouverture d’une succession, une personne laisse pour seul héritier, un collatéral ordinaire. L’article 777 du code général des impôts (CGI) régit le taux de taxation applicable, au titre des droits de mutation à titre gratuit, entre ces deux personnes. Contrairement aux héritiers en ligne directe, le législateur n’a pas prévu de barème progressif. Quand il existe un lien de parenté et ce, jusqu’au quatrième degré, le taux est de 55 %. Aucun abattement sur l’actif net successoral, n’est appliqué. Par voie de conséquence, le règlement des frottements fiscaux peut s’avérer être une contrainte non-négligeable. De plus, l’article 641 du CGI impose aux héritiers la souscription de la succession, dans un délai de 6 mois à compter du décès du succédé, sauf cas exceptionnels. L’administration fiscale, semble toutefois se montrer un peu plus indulgente quand la majorité des biens est illiquide. Au-delà, des pénalités de retards sont appliquées.

 

Au cas d’espèce, le succédé laisse derrière lui, un patrimoine de 60 millions d’euros, constitué en grande majorité d’immeubles de rapport. L’immobilier, est par nature, une classe d’actifs illiquides. Les liquidités issues de la succession ne permettent pas d’en régler les droits. Ainsi, la vente d’une partie des actifs immobiliers s’impose. La liquidation d’actifs immobiliers peut prendre un temps considérable.

 

L’avocat en charge du dossier, nous livre qu’il a été décidé de lever pour 33 millions d’euros de dette auprès des banques, afin de régler les droits de succession. Les établissements de crédit, ne sauraient prêter ce type de montant sans tout un lot de sûretés. De ce fait, des immeubles, pour une valeur globale similaire, ont été placés dans une fiducie-sûreté. Le constituant est donc l’héritier, le bénéficiaire est la banque. Quant au rôle de fiduciaire, il est délégué à l’avocat en charge du dossier. Il peut arriver que la banque se charge de cette qualité. Cela n’a pas été précisé, mais il se pourrait qu’un tiers protecteur ait été désigné, donnant un droit de regard, à la banque ou à l’avocat.

 

Dans le cas présent, la fiducie apporte davantage de flexibilité, vis-à-vis d’une mise en hypothèque de chacun des biens et s’avère moins coûteuse. Elle donne plus de garanties, de mainmise sur les actifs, au banquier, en cas de défaut.

 

Sur le plan contractuel, le constituant garderait la main sur les actes de disposition pour les actifs mis en fiducie, afin de les vendre.

 

Le crédit associé à la fiducie-sûreté laisse ainsi le temps à l’héritier de sélectionner les immeubles à liquider, ceux à garder, et s’ils sont détenus au travers de sociétés, à potentiellement restructurer.

La fiducie sera dissoute, au moment où le passif de l’héritier sera apuré. Les biens restants, retourneront dans le patrimoine du constituant.


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La fiducie au service du crowdfunding immobilier


Les cas pratiques sur le sujet sont nombreux. L’ingénierie financière et la démocratisation de l’investissement auprès du plus grand nombre, ont permis depuis quelques années, l’émergence de cette typologie de placement. Des plateformes spécialisées, mettent en relation des marchands de biens ou des promoteurs immobiliers, avec des investisseurs souvent qualifiés de « particuliers ». Un projet d’investissement est exposé et détaillé, en conformité avec les directives de l’Autorité des Marchés Financiers, afin de lever des fonds. Les tickets d’entrée sont accessibles. L’investissement prend la forme d’une émission obligataire, qualifiée de « privée » ou « non cotée », puis qu’elle n’émane pas d’une société cotée en bourse. Afin d’être attractive, cette obligation comporte généralement des sûretés, de sorte à ce que les investisseurs s’y retrouvent en termes de rendement-risque. On recense généralement :

 

- Le cautionnement personnel et solidaire, des dirigeants-associés de la société émettrice de l’obligation. Il étend la responsabilité du débiteur au patrimoine personnel, en se portant caution de la dette. Quand elle est « solidaire », le créancier peut directement poursuivre la caution, sans mener d’action judiciaire vis à vis du débiteur principal. Également, elle renonce au « principe de division », quand il y a plusieurs cautions : le créancier peut poursuivre une unique caution, pour la totalité de la dette.

 

- L’hypothèque inscrite, constituant une sûreté réelle sur un bien ciblé. Le possédant n’est pas dépossédé de son bien. En cas de défaillance du débiteur, une action est menée pour saisir le bien en question. Elle est établie par acte notarié et fait l’objet d’une inscription à la conservation des hypothèques (registre national), afin d’être sécurisée et opposable aux tiers. L’hypothèque peut être « non-inscrite » : un acte notarié est effectué, mais celle-ci n’est pas inscrite, de manière à réduire les coûts. L’inscription pourra être demandée ultérieurement par le créancier. Toutefois, il existe un risque qu’un autre créancier inscrive plus rapidement une hypothèque sur le même bien et bénéficie d’un meilleur rang de priorité. Ainsi, différents niveaux de sûretés existent, concernant l’hypothèque. Un plus faible, consiste à réaliser une simple promesse d’affectation hypothécaire, matérialisée par un courrier du débiteur, s’engageant à autoriser la mise en hypothèque d’un bien, en cas de défaillance. L’acte n’est pas notarié, la garantie est moindre. L’hypothèque, peut être « de second rang », quand une hypothèque a déjà été prise sur le même bien, ainsi, elle passera en second, en cas de défaillance.

 

- D’autres sûretés, telles que le nantissement de créance : généralement utilisé pour mettre en gage une assurance-vie. Cela est ici utilisé pour mettre en garantie des comptes courants d’associé de l’entité émettrice, ou les titres de la société.

L’ensemble de ces sûretés, n’opère pas pour le débiteur, de dépossession de ses biens mis en garantie, au moment de la contraction du prêt. Il reste le plein propriétaire des actifs. Ces outils ne peuvent s’enclencher qu’en cas de défaillance du débiteur. En fonction du niveau de sûreté, une extension de l’obligation de remboursement de la dette (dans le cas de la caution) ou une saisie judiciaire des biens (hypothèque, nantissement), peuvent avoir lieu. Il se peut toutefois, que les garanties soient renégociées en cours de route, entre le créancier et le débiteur, en cas de difficulté économique. Le créancier demandera généralement à être partiellement remboursé tout de suite, contre un allègement de sa garantie et un échelonnement du règlement de la dette restante dans le temps, plutôt qu’à conserver l’ensemble des sûretés tout en s’attendant à un fort retard dans le remboursement. Dans le cas d’une collectivité de porteurs d’obligations, représentée par la plateforme de crowdfunding, son droit de vote mineur, peut faire que les décisions futures soient en contradiction avec sa propre volonté. Par conséquent, l’investisseur est impuissant face à la révision des garanties initiales. Toutefois, la collectivité agissant dans son propre intérêt, tendra à choisir la stratégie la plus optimale.

 

Seule la fiducie, « reine des sûretés », permet une dépossession initiale des biens mis en garantie, donnant davantage de prérogatives au créancier. Par conséquent, il s’agit d’un dispositif de plus en plus utilisé dans ce cas d’usage.


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Au cas d’espèce, une foncière (société détenant et gérant un parc immobilier) cherchait à acquérir un portefeuille de quatre actifs commerciaux, pour un montant de 4 millions d’euros. Les biens sont déjà loués à 100 %. Contrairement aux transactions sur le résidentiel, ce contexte est fréquent pour les actifs professionnels, car cela est valorisé. Les baux en cours apportent une sécurité supplémentaire à l’investissement. La société acquéreuse souhaite trouver un financement pour ce projet. Dans le cas où les banques ne sauraient répondre, favorable à l’appel, pour des questions de risques et de seuils d’endettement, les investisseurs privés prennent le relais. Une émission obligataire est ainsi lancée, par le biais d’une plateforme de crowdfunding. Cette dernière est exigeante dans sa sélection et validation des projets à financer. Elle demande des sûretés pour les prêteurs. L’entité émettrice a régulièrement recours à l’endettement et possède un passif important, mis en face de ses capitaux propres. Par conséquent, le financement semble impossible sans garanties réelles sur les biens, de sorte à ce qu’en cas de défaut du débiteur, les prêteurs puissent immédiatement prendre le contrôle et liquider les biens en maximisant leur chance de retrouver à minima leur capital initial. Par ailleurs, le débiteur doit proposer un rendement ajusté du risque intéressant pour les investisseurs. Au cas d’espèce, un rendement fixe et variable (lié à une indexation sur une partie des loyers) est proposé.

 

Ainsi, une hypothèque de premier rang a été inscrite sur chacun des biens, un cautionnement personnel et solidaire a été contracté par le dirigeant de la société mais également, une fiducie-sûreté sur 100 % des titres de la société acquéreuse a été constituée. La société acquéreuse, est ici une entité « ad hoc » (aussi appelée SPV pour « Special Purpose Vehicle ») uniquement constituée dans un but précis, celui de détenir les actifs immobiliers en question. Celle-ci est une filiale de la société mère (la foncière). Le constituant de la fiducie, est donc la holding, détenant ses activités au travers de filiales. Chaque projet est généralement isolé dans une entité ad hoc, pour délimiter le périmètre des sûretés et les responsabilités intra-groupe. Le constituant a apporté à la fiducie les titres de l’entité acquéreuse. Le rôle de fiduciaire est délégué au cabinet d’avocats. Le contrat désignera un tiers protecteur, n’étant autre que la plateforme de crowdfunding, opérant un rôle de médiation et de protection des intérêts des investisseurs. Le bénéficiaire du contrat, est la collectivité des porteurs d’obligations.

A l’instar de l’hypothèque, le défaut peut amener à un transfert de la propriété des actifs mis en sûreté, au bénéficiaire. Toutefois, la fiducie semble aller plus loin : le fiduciaire peut souverainement procéder à la liquidation des actifs pour rembourser la dette. Par ailleurs, la fiducie ne nécessite pas de recours judiciaire, pouvant s’avérer long : le transfert s’effectue avec plus de flexibilité, de gré à gré. Le processus de réalisation de la sûreté peut être aménagé dans l’intérêt des prêteurs. Par exemple, la vente judiciaire étant écartée, les modalités de la liquidation des biens peuvent être prévues contractuellement. La valeur des actifs peut être préservée, contrairement aux décotes courantes qu’engendre une vente expresse et forcée, ce qui est à l’avantage de toutes les parties, débiteur comme créanciers. Nous pouvons penser à la désignation à l’avance d’un intermédiaire de vente (banque d’affaires, agence immobilière…) ou encore au refinancement de la dette par un tiers. Enfin, la qualité d’une sûreté est également jugée à sa résistance lors d’une procédure collective. Il est possible que le défaut d’un émetteur, s’accompagne d’un placement sous contrôle judiciaire. Le droit français, prévoit le blocage temporaire de l’ensemble des remboursements de créanciers. Le bénéficiaire de la fiducie, dispose d’une protection de sa créance, vis-à-vis de cette mesure procédurale. L’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, portant sur la réforme du droit des entreprises en difficulté, a introduit cet aménagement exclusif. Par conséquent, les biens transférés en fiducie échappent, sauf cas exceptionnels, aux contraintes des procédures collectives.

 

Au cas d’espèce, la mise en place d’une fiducie a un coût, supporté par le débiteur, mais permet de réduire considérablement le risque des investisseurs-prêteurs, ainsi de consentir à un taux d’intérêt plus faible, réduisant la charge financière de la foncière, relative au projet. La foncière, ayant un endettement non-négligeable, donc un risque de basculer en procédure collective, a eu tout intérêt d’organiser l’hypothèse d’une liquidation de ses actifs par un fiduciaire, afin de maximiser le prix de vente. Ce faisant, le risque que le remboursement de la dette nécessite un effort de trésorerie supplémentaire, par le débiteur, du fait d’une vente à prix insuffisant, est réduit.


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La mise en sûreté pour baisser le coût du crédit


La garantie permet de réduire le risque de l’investisseur et de faire en sorte qu’il consente à un taux d’intérêt plus faible. Dans un cas d’étude, publié par un cabinet d’avocats, il est question d’un rachat de crédit.

 

Une holding détient de nombreuses sociétés civiles immobilières (SCI), qui elles-mêmes détiennent des actifs immobiliers. L’endettement du groupe est de 18 millions d’euros. Ces passifs sont adossés aux biens. Il est ici question d’une restructuration de la dette. Les crédits seront rachetés par un établissement de crédit, qui accordera à la holding débitrice un nouveau crédit, à l’échéancier ajusté et au taux d’intérêt plus faible. Pour ce faire, une fiducie sur 100 % des titres de l’ensemble des filiales est mise en place. L’établissement de crédit est le bénéficiaire du contrat, le cabinet s’occupant du rôle de fiduciaire. L’opération a fait passer, les mensualités de remboursement, de 60 % à 28 % du montant des revenus locatifs. Le contrat de fiducie modère la souveraineté du débiteur quant à la gestion des biens transférés en fiducie. Au cas d’espèce, la précision manque, mais il se pourrait que la holding garde l’entière gestion des filiales, que le fiduciaire s’occupe de voter aux assemblées générales des sociétés, dans l’intérêt de l’opération en cours, puis de disposer des prérogatives de mise en sûreté, en cas de défaillance.

 

Par conséquent, le recours à la fiducie, dans le cadre d’une restructuration de dette, peut s’avérer pertinent, afin d’optimiser les mensualités et la charge financière globale.




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