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Exfiltration de la trésorerie d'entreprise

Dernière mise à jour : 14 mai

Le chef d’entreprise, au-delà de maîtriser à merveille son activité opérationnelle, se doit également d’être averti sur les enjeux comptables et fiscaux de sa structure sociétale. Cette veille, ces réflexions, peuvent toutefois être déléguées à son expert-comptable, voire à un professionnel du patrimoine.

 

Il convient de traiter la question de l’exfiltration d’une partie de la trésorerie de sa société, en fonction des diverses situations comptables que l’on peut rencontrer. Cet article n’a rien d’exhaustif.


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Rémunération

 

Tout d’abord, se verser un revenu professionnel, semble être la manière la plus simple de sortir des fonds. Le président d’une SAS, peut se verser une rémunération en contrepartie de son mandat social, celle-ci n’a d’ailleurs pas de seuil minimum. Celle-ci ne doit toutefois pas être excessive, au regard des services rendus et des besoins de la société. Il bénéficiera du régime des assimilés-salariés. Sous couvert de certaines conditions strictes, il peut également le cumuler avec un contrat de travail au sein de l’entreprise. Un gérant majoritaire pour une SARL, sera soumis au régime du travailleur non salarié (TNS).

En SCI, la rémunération de la gérance est rare, cela est généralement effectuée à titre gratuit. Celle-ci n’a pas de seuil minimum. Son imposition diffère en fonction de si le gérant est associé ou non.

Les rémunérations versées au sein de société à l’IS, sont déductibles du résultat fiscal, lorsqu’elles correspondent à un travail effectif et qu’elles ne sont pas excessives.

Bien que, de formalité très légère, la rémunération peut constituer un versement coûteux et désintéressé de l’objectif d’un chef d’entreprise. Celui-ci pourrait souhaiter, éviter le règlement de charges sociales parfois lourdes, alors qu’il n’a pas d’intérêt à maximiser ses droits sociaux (chômage, retraite…).

 

Dividendes

 

Le dividende constitue la sortie de la société du bénéfice d’une entreprise, encaissé par les associés, à concurrence de leurs droits financiers dans celle-ci. La distribution de dividendes est limitée à ce qui est « distribuable ». L’article 232-11 du Code du commerce précise que le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué des pertes antérieures. Il constitue le résultat fiscal, déterminé par l’expert-comptable. Il est à mettre en parallèle avec le résultat comptable, renvoyant au montant exact des bénéfices ou du déficit dégagés par l’entreprise. Le résultat fiscal, prend en compte des charges calculés (amortissements, dépréciations) et se délaisse des produits exempts d’impôt.

 

Par conséquent, une activité peut être bénéficiaire au sens comptable et déficitaire sur le plan fiscal. Seul ce qui a été imposé, peut être distribué. C’est une problématique courante, notamment dans les structures à l’IS et à prépondérance immobilière, en raison du volume important des amortissements.

 

Les sommes distribuables se constituent également des réserves et reports à nouveau bénéficiaires antérieurs, dans la limite de la trésorerie disponible. La distribution est conditionnée à l’amortissement total des frais d’établissement, de recherche appliquée et de développement.

 

Au cours des 6 mois qui suivent la clôture annuelle de l’exercice comptable, une assemblée générale ordinaire doit avoir lieu pour approuver les comptes et décider de distribuer ou non un dividende.

Il est également admis, de distribuer un dividende exceptionnel, à l’occasion d’une assemblée générale ultérieure, dans les 9 mois suivants la clôture.

Une société peut également décider de verser des acomptes sur dividendes, avant la clôture de son exercice, en faisant constater un bénéfice distribuable via un bilan intermédiaire certifié par un commissaire aux comptes. La jurisprudence considère que le dirigeant décidant une distribution alors que la société est en difficulté, engage sa responsabilité (Cass. Com, 8 avril 2021, n°19-23669).

 

Un dividende, dans les sociétés par actions (SAS et SA) peut également être payé en nature. La société remet des actifs sociaux à l’associé, tel qu’un immeuble, ou des titres de sociétés. Il arrive, de constituer des actifs patrimoniaux, au sein de sa structure sociétaire, puis de les appréhender en nom propre, pour diverses raisons, ou simplement de gratifier les associés sans toucher à une trésorerie nécessaire.

 

Par conséquent, le dividende constitue un outil d’exfiltration de trésorerie, mais ne saurait faire sortir la totalité des capitaux, en fonction de leur origine.


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Réduction de capital

 

La réduction du capital social, peut de prime abord faire transparaître des difficultés financières. Néanmoins, cet acte n’est pas nécessairement motivé par des pertes. Les sociétés peuvent décider d’une réduction de leur capital par voie de rachat de titres suivi de leur annulation. Les sommes perçues par l’actionnaire, relèveront du régime des plus-values applicable, qui peut, selon les cas, s’avérer fiscalement plus avantageux. Cette opération peut toutefois être remise en cause par l’administration fiscale, qui invoquera l’abus de droit, lorsque qu’elle considérera que cela ne poursuit aucun objectif autre que fiscal. C’est le cas de l’appréhension régulière de dividendes sous le régime fiscal plus favorable des plus-values, ne semblant présenter aucune justification économique. La réduction de capital peut permettre la diminution de capitaux propres hors de proportion vis-à-vis de l’activité de la société, ainsi de les adapter aux buts économiques.

 

A l’instar d’une constitution de holding de rachat, pour une opération d’OBO (owner buy-out), la valeur des titres n’est pas concrètement soumise aux lois du marché, le ou les associés s’accommodent d’une valeur arrangeante. L’administration fiscale, reste très attentive à celle-ci, pouvant interpréter cela comme une libéralité indirecte.

 

La réduction du capital, se réalise soit par la diminution de la valeur nominale des titres, fréquente en présence d’une collectivité d’associés, soit par le rachat des titres par la société en vue de leur annulation, plus adapté à l’associé unique.

 

Le capital social ayant une fonction de « garantie » à l’égard des créanciers de la société, sa diminution entraîne une réduction de l’assiette de leur droit au gage. Ainsi, ces derniers disposent d’un droit d’opposition à la réduction du capital.

 

Cette opération, peut permettre l’exfiltration de capitaux non-issus du bénéfice distribuable (tirant son origine d’un apport ou d’une absence d’imposition). Toutefois, celle-ci peut s’avérer très délicate en fonction des circonstances et des motivations des associés.

 

Compte courant d’associé

 

Il s’agit d’une méthode de financement très prisée. Tous les associés ou dirigeants, peuvent consentir un prêt à la société, pour financer ses actifs. L’associé-prêteur détiendra une créance chirographaire, remboursable à première demande par la société (sauf dispositions contraires). Le prêt peut être rémunéré et produire des intérêts, déductibles (sous certaines conditions) du résultat fiscal de la société. Ces différentes modalités doivent être prévues par les statuts. Les intérêts sont imposés, dans les mains d’un associé personne physique, comme un revenu de capitaux mobiliers. Par ailleurs, le capital social devra être entièrement libéré. Le compte courant d’associé apporte de la souplesse au financement d’une activité, en comparatif d’une modification du capital social, plus lourde. En présence de ce passif comptable, la trésorerie non-distribuable pourrait être exfiltrée, par simple remboursement. Cela se limite évidemment, au montant de ce passif. Il est commun, de voir des sociétés à capital faible, financées uniquement par cet outil, afin de jouer la déductibilité des intérêts et la facilité des mouvements de valeurs.

 

En somme, les stratégies d’exfiltration sont nombreuses et complexes. Celles-ci doivent revêtir un caractère légitime et les valeurs ne doivent pas être distraites, de la société, à des fins étrangères, sous peine de constituer un acte anormal de gestion (CE, n° 444942). Par conséquent, l’exfiltration fictive, par la mise à disposition de capitaux au bénéfice d’autres sociétés, sans intérêt commun, peut être remise en cause. C’est parfois l’exemple d’une société opérationnelle, détenue par une personne physique, finançant via un compte courant d’associé les actifs d’une société patrimoniale à l’IR, détenue en majorité par ce même associé. Il semble nécessaire de faire valider tout montage, avant son exécution, par un professionnel.




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