Cryptomonnaies : quels enjeux fiscaux ?
- Léo Bachelot
- 28 nov. 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 mai
Les cryptomonnaies, composent une typologie d’actifs très jeune, qui demandent encore à être perfectionnée. Elles posent de sérieuses questions en droit français, comme bien patrimonial générant de la fiscalité. Initialement classées sous des régimes fiscaux généraux, elles sont désormais soumises à des règles spécifiques, introduites par la loi de finances pour 2019, puis ajustées par des textes et de la jurisprudence ultérieurs.

Léger disclaimer – Cet article de synthèse ne saurait couvrir l’exhaustivité des cas fiscaux et n’assure aucune forme de véracité. L’administration fiscale pourrait montrer des résistances quant à la doctrine développée. La loi et la jurisprudence s’invoquent quand le contribuable peut prouver une similitude avec son cas personnel. Traiter l’exhaustivité des contradictions et des zones d’ombre pesants sur la législation en vigueur pour tenter de déceler une vérité qui n’est aujourd’hui pas stable, n’est pas possible. Ce travail donne toutefois une vue d’ensemble pertinente. Il est fortement conseillé, pour des cas marginaux ou des montants significatifs, de consulter un spécialiste.
La fiscalité des cryptomonnaies, diverge en fonction du profil de l’investisseur et de la nature très diverses des gains. Les investisseurs ont tendance par ignorance, à globaliser l’ensemble des cas qu’ils rencontrent.
Ci-dessous, les différents faits générateurs d’imposition et leurs implications.
Plus-value à titre occasionnel
Vous avez acquis une cryptomonnaie à un cours A et l’avez vendu à un cours B, supérieur à A. Vous avez une plus-value latente. Qu’est-ce qui déclenche l’imposition ? C’est la cession vers un actif autre qu’une cryptomonnaie : une devise comme l’euro, un bien immobilier ou meuble… Car la plus-value a été pleinement appréhendée.
La plus-value est imposable à la « flat tax », un nom qui n’a pas dû vous échapper. Il s’agit d’un taux de 30 % (12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux). Toutefois, le contribuable peut opter (paramètre qui s’appliquera à tous ses revenus soumis à la « flat tax »), sur la partie à l’impôt sur le revenu, pour le barème progressif, qui profitera aux foyers à faibles revenus.
Par ailleurs, la détermination de la base taxable est un peu complexe : à moins de céder toutes ses cryptomonnaies, vous ne cédez jamais exclusivement de la plus-value. Vous cédez généralement, une quote-part d’investissement initial et une quote-part de plus-value. L’exemple ci-dessous devrait aider.

Un investisseur constitue un apport initial de 100, pour investir sur des cryptoactifs. Au bout de quelque temps, son compte est valorisé à 130, du fait d’une prise en valeur de ses actifs. Il décide d’en céder 10 %, qu’il reconvertit en euros. On constate une plus-value imposable. La cession se compose donc d’une quote-part d’apport initial et de plus-value de 10 %. Il ne sera imposé que sur 3, et pas 13.
Par conséquent, afin de préserver ses droits, il semble judicieux de conserver une traçabilité de toutes les cessions vers et venant des cryptoactifs (données blockchains de transactions, montants…).
Attention ! Une plus-value se caractérise par la détention et la prise en valeur d’un actif. La réception d’un actif, en gage de rémunération, ne constitue pas une plus-value et rentre dans une autre catégorie de revenus (voir L’acquisition de cryptoactifs).
Par ailleurs, le caractère habituel d’une plus-value, peut faire basculer l’investisseur dans l’exercice d’une activité professionnelle, plus soumis au même régime.
Plus-value à titre professionnel
1. À l’impôt sur le revenu (IR)
La situation des « crypto-tradeurs » est alignée sur celle des « boursicoteurs ». L’article 150 VH bis peut être exclu au profit de l’article 92 du code général des impôts (« quasi-professionnel »).
Le régime des particuliers non professionnels (« quasi-professionnels ») suppose l’exercice non professionnel d’une activité dans des conditions analogues à celles d’un professionnel. Des critères qualitatifs interviennent : l’achat pour revendre, la régularité des transactions, la mise en œuvre d’un véritable savoir-faire professionnel, résultant d’une formation, de moyens, d’outils…
S’appliquera le régime des bénéfices non-commerciaux (BNC). Il devra s’agir d’une « comptabilité de caisse » et sera analogue avec la jurisprudence existante en matière de gains de bourse. Pour un chiffre d’affaires annuel inférieur à 77 700 € hors taxe (CGI, art 50-0), on optera pour le micro-BNC ou le régime réel. L’arbitrage se fait en fonction de votre taux de charges et de votre volonté de moduler vos cotisations sociales. Au-delà, régime réel oblige.
Par ailleurs, l’activité rentre dans le champ de la TVA, selon les règles et au-dessus des seuils prévus par la loi.
2. Le cas de l’impôt sur les sociétés (IS)
Si l’activité s’exerce au travers d’une société relevant du régime de l’impôt sur les sociétés, elle échappe à toutes ces difficultés. La plus-value constitue un produit venant majorer le résultat fiscal, qui sera soumis aux taux d’IS.
Par ailleurs, ce régime est utile pour bénéficier d’un effet de levier fiscal et réinvestir les gains pour diversifier et capitaliser dans le temps.
L’acquisition de cryptoactifs
De logique implacable, une plus-value implique une cession. Ainsi, l’acquisition d’un cryptoactif, par tous moyens, échappe à ce régime.
On énumère facilement le staking, les airdrops, lending, fork, minage…ces bénéfices sont susceptibles d’être imposables dans la catégorie des bénéfices non-commerciaux (BNC). La réception est le fait générateur d’imposition, qu’il y ait une cession ultérieure ou non.
Concernant les successions et donations, la mutation à titre gratuit de cryptoactifs, comme pour le reste, purge la plus-value latente qui pouvait exister. Bien entendu, la plus-value se constituant entre l’acquisition et la cession future, reste imposable.
Les NFT
Un « non-fungible token » n’est pas une cryptomonnaie, car il ne rentre pas dans le champ de description des cryptoactifs (article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier). C’est son essence « non-fongible » qui crée cette exclusion. Un NFT n’est pas une valeur unitaire et ne peut se diviser.
Faute de qualification plus spéciale, on pourrait considérer qu’il rentrerait dans le régime résiduel des plus-values des biens meubles (article 150 UA du CGI). Toutefois, en l’absence de texte précis, cela semble peu probable. En pratique, le contribuable lambda globalise probablement l'origine de toutes ses plus-values. Le NFT évolue dans un flou qualificatif. La loi et la jurisprudence étant silencieuses, il est fortement recommandé d’interroger l’administration fiscale par voie de rescrit, afin de déclarer.
Et si dans certains cas, le NFT pouvait être assimilé à une œuvre d’art qui a ses régimes spécifiques ? En somme, le sujet est trop divisé pour que cet article tranche avec exhaustivité.
Le cas de l’expatriation
L’imposition se base sur le critère de la résidence fiscale, peu importe que les cryptoactifs soient détenus à l’étranger. Si la France justifie le domicile fiscal du contribuable sur son territoire, alors les règles du présent article s’appliqueront. Dans les cas particuliers, il est judicieux de se référer aux conventions fiscales entre les pays impliqués, ou d’être alerte sur le droit interne au pays de sa résidence fiscale.
Par ailleurs, l’exit tax de l’article 167 bis est inapplicable aux cessions d’actifs numériques. Un contribuable n’ayant pas encore cédé ces cryptoactifs et souhaitant s’expatrier, à des fins fiscales ou non, ne semble pas être inquiété.
Pour votre conformité
La traçabilité de tous types de gain réalisé par le jeu des cryptoactifs, est assez complexe. Cela demande de recenser un grand nombre de transactions. Il est nécessaire d’avancer des preuves solides lors de vos déclarations, sous peine de voir les gains être qualifiés « d’occultes ». Cette obligation de diligence est nécessaire pour lutter contre le blanchiment d’argent et l’égalité de traitement des contribuables face à l’impôt.
De nouveau, la déclaration peut très souvent sembler délicate et doit parfois sans hésitation donner recours aux services d’un avocat fiscaliste spécialisé dans ce domaine.


